glass Cet homme était le fils aîné d’un sorcier, ou toucheur, qui, fils aîné lui-même, avait également reçu de son père l’initiation. Etais-je bien son fils ? Salers donne son nom à une race de bœufs estimés. Les parents demeuraient en ville pendant la semaine employée par les exercices qui précédaient la distribution des prix, ainsi mes camarades décampaient tous joyeusement le matin ; tandis que moi, de qui les parents étaient à quelques lieues de là, je restais dans les cours avec les Outre-mer, nom donné aux écoliers dont les familles se trouvaient aux îles ou à l’étranger. Le P. Feuillée, dans son Histoire des plantes médicinales qui sont le plus en usage aux royaumes du Pérou et du Chily (1725), se contente de citer la Pomme de terre sous son nom scientifique : Solanum tuberosum esculentum (G. Quelques-uns avaient un rayonnement plus puissant, portant bonheur ou malheur. Malgré l’ivresse que me causa ce programme de fêtes inespérées, ma joie fut détendue par le vent d’orage qui impressionne si rapidement les habitués du malheur. Vous verrez toujours mon malheur s’agrandissant en raison de la circonférence des sphères sociales où j’entrerai.

Le jour de leur arrivée me fut annoncé par mon frère : il habitait Paris et ne m’avait pas fait une seule visite. Sauveur. Lors de ma première communion, je me jetai donc dans les mystérieuses profondeurs de la prière, séduit par les idées religieuses dont les féeries morales enchantent les jeunes esprits. Lisez ce passage cinglant sur les jeunes hommes de l’aristocratie nobiliaire : « Et c’est parmi ces jeunes fats, dans cette pépinière de fainéants, que je dois chercher un mari ! Si l’usage du sucre et du café constituait un luxe chez les parents, il annonçait parmi nous une supériorité vaniteuse qui aurait engendré notre passion, si la pente à l’imitation, si la gourmandise, si la contagion de la mode n’eussent pas suffi. Trompé par le silence de mes parents, je les attendais en m’exaltant le cœur, je les annonçais à mes camarades ; et quand, à l’arrivée des familles, le pas du vieux portier qui appelait les écoliers retentissait dans les cours, j’éprouvais alors des palpitations maladives. Ainsi nos efforts ont été couronnés par le plus beau succès.

« Que serais-je plus tard, si dès l’âge de dix-sept ans je faisais de semblables équipées ! J’avais quinze ans. Examen fait de ma capacité, le rhétoricien de Pont-le-Voy fut jugé digne d’être en troisième. Le premier jour nous irions dîner au Palais-Royal afin d’être tout portés au Théâtre-Français. Mes sœurs étaient du voyage, et nous devions voir Paris ensemble. Mes deux sœurs se marieraient-elles sans dot ? Le soir, je brûlai mes couronnes dans le poêle. Le soir, durant la prière, les barbares nous vantaient les bons dîners faits avec leurs parents. Doisy nous faisait crédit, il nous supposait à tous des sœurs ou des tantes qui approuvent le point d’honneur des écoliers et payent leurs dettes. Pendant la récréation qui précédait l’heure où le gâcheux nous conduisait au lycée Charlemagne, les camarades opulents allaient déjeuner chez notre portier, nommé Doisy. Durant le cours de ma vie collégiale, j’ai connu mille camarades environ, et n’ai rencontré chez aucun l’exemple d’une pareille indifférence. J’ai souvent attribué ces sublimes visions à des anges chargés de façonner mon âme à de divines destinées, elles ont doué mes yeux de la faculté de voir l’esprit intime des choses ; elles ont préparé mon cœur aux magies qui font le poète malheureux, quand il a le fatal pouvoir de comparer ce qu’il sent à ce qui est, les grandes choses voulues au peu qu’il obtient ; elles ont écrit dans ma tête un livre où j’ai pu lire ce que je devais exprimer, elles ont mis sur mes lèvres le charbon de l’improvisateur.

Attaché fanatiquement aux Bourbons, monsieur Lepître avait eu des relations avec mon père à l’époque où des royalistes dévoués essayèrent d’enlever au Temple la reine Marie-Antoinette ; ils avaient renouvelé connaissance ; monsieur Lepître se crut donc obligé de réparer l’oubli de mon père, mais la somme qu’il me donna mensuellement fut médiocre, car il ignorait les intentions de ma famille. Monsieur Lepître ignorait ou souffrait le commerce de Doisy, véritable contrebandier que les élèves avaient intérêt à choyer : il était le secret chaperon de nos écarts, le confident des rentrées tardives, notre intermédiaire entre les loueurs de livres défendus. J’inventai de prendre mon frère Truffle pour la chasse drogman de Doisy, pour interprète de mon repentir, pour médiateur de mon pardon. J’avais à déclarer cent francs de dettes contractées chez le sieur Doisy, qui me menaçait de demander lui-même son argent à mes parents. Que tenter à Paris sans argent ?

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